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Droit du travail

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Asséner un coup sur la tête d'un collègue en réaction à une agression commise par ce dernier : un comportement fautif ?


Ce n'est pas parce que le comportement du salarié est fautif et inadéquat qu'il peut justifier, en soi, un licenciement, et encore moins une faute grave s'il intervient en défense à une agression.

En effet, la Cour de cassation rappelle que le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur pour justifier le licenciement de son salarié est apprécié souverainement par le juge qui forme sa conviction au vu des éléments fournis par les deux parties (Cass.civ. 20 octobre 2021 n°20.10613, INEDIT).

Dans cette affaire, une salariée embauchée en qualité "d'animatrice écoutante" avait saisi le Conseil de prud'hommes estimant avoir été injustement licenciée pour faute grave.

La salariée estimait que la faute grave était dépourvue de toute réalité.

Elle expliquait que si elle avait asséné un coup sur la tête de son collègue de travail c'était en réaction à l'agression violente et subite dont elle avait été victime de la part dudit collègue.

Elle estimait que la responsabilité de l'agression incombait entièrement à ce dernier.

Elle ajoutait que tout ceci avait eu lieu dans un environnement d'extrême tension psychologique.

Elle estimait ainsi que l'employeur avait fait un mauvais usage de son pouvoir disciplinaire en sanctionnant la victime, c'est-à-dire elle-même, alors qu'il aurait dû la soutenir et la protéger et, en tout état de cause, en la sanctionnant de la même façon qu'il avait sanctionné l'agresseur, également licencié pour faute grave.

Si le Conseil de prud'hommes avait refusé de faire droit à la demande de la salariée, la Cour d'appel de Versailles avait, quant à elle, suivi l'argumentation de la salariée considérant que :

"si le comportement de Mme [P] est sans aucun doute fautif et parfaitement inadéquat, la cour retient néanmoins que :

- sa réaction s'inscrit dans le prolongement de l'agression de M. [N] qui a subitement et violemment frappé sur son bureau au point que la salariée, qui était assise derrière son bureau, en a perdu l'équilibre et s'est cogné la jambe. Il convient en outre de tenir compte du contexte professionnel du pôle "115" où était affectée la salariée, ce service ayant vocation à recevoir les appels de personnes en situation de détresse, ce qui induit légitimement une certaine tension psychologique. 

- qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations que les faits reprochés à Mme [P] ne sont pas constitutifs d'une faute grave compte tenu du contexte émotionnel dans lequel ils se sont produits, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges.

-qu'aux termes de l'article 33 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, applicable à la relation de travail : « Les mesures disciplinaires applicables aux personnels des établissements ou services s'exercent sous les formes suivantes :
- l'observation,
- l'avertissement,
- la mise à pied avec ou sans salaire pour un maximum de trois jours,
- le licenciement.
(...) Sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à 1'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux des sanctions citées ci-dessus prises dans le cadre de la procédure légale. (...) ». En l'espèce, l'employeur justifie avoir notifié le 15 janvier 2014 à Mme [P] une observation de travail au motif du non-respect de son obligation de se soumettre à un contrôle médical dans le cadre du travail.
Toutefois, faute pour l'employeur d'invoquer à l'encontre de la salariée une deuxième des sanctions prévues par l'article 33 susvisé, le licenciement notifié le 12 février 2014, à la suite d'une mise à pied conservatoire de plus de trois jours, apparaît dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera donc infirmé  ".

La Cour de cassation confirme la décision de la Cour d'appel de Versailles.

Elle a jugé que " Ayant constaté que l'ensemble des faits reprochés à la salariée et commis à l'égard d'un collègue de travail s'étaient produits en réaction à l'agression subite et violente dont elle avait été victime de la part de ce dernier, dans un contexte professionnel de tension psychologique et de fréquentes altercations, la cour d'appel a pu retenir que ces faits ne caractérisaient pas une faute grave et, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, a décidé qu'ils ne pouvaient être une cause réelle et sérieuse de licenciement".


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